Lutte contre le cancer : les nouveaux espoirs de la recherche

Lutte contre le cancer : les nouveaux espoirs de la recherche

Thérapies ciblées, immunothérapie, vaccins anti-cancer actuellement en phase d’essai clinique… La lutte contre le cancer s’est enrichie ces dernières années de nouvelles armes prometteuses ! Décryptage.

La médecine de précision

Traiter le cancer non plus seulement selon sa localisation, mais aussi, et surtout, selon les mécanismes moléculaires en cause dans les cellules des tumeurs et selon leur environnement, c’est l’un des principes phares de la médecine de demain, dite médecine « de précision » ou « personnalisée ». Grâce à des outils d’analyse de l’ADN de plus en plus performants, chercheurs et médecins peuvent désormais identifier les gènes ou les mutations génétiques à l’origine de certains cancers. Ils varient d’une maladie à une autre, d’un patient à un autre. À chaque type ses anomalies, à chacun son traitement.

« Dans certains cas, les tests moléculaires, réalisés à partir d’un prélèvement tumoral, nous permettent de proposer aux patients un traitement ciblant les caractéristiques moléculaires des tumeurs. Avec ces thérapies dites ciblées, nous avons réussi à diviser par deux le risque de récidive chez les femmes ayant un cancer du sein avec une amplification du gène HER2 [15 à 20 % des cas de cancers du sein, NDLR]. Cette mutation génétique est également présente dans les cancers de l’estomac, pour lesquels, là encore, nous sommes parvenus à inhiber cette altération moléculaire en ayant recours à des thérapies ciblées. »

– Pr Christophe Le Tourneau, médecin oncologue à l’Institut Curie

Au total, on dénombre une vingtaine de signatures moléculaires pour lesquelles il existe aujourd’hui des traitements spécifiques.

Réveiller le système immunitaire avec l’immunothérapie

Les tests moléculaires permettent également de repérer les patients qui répondront plus favorablement à une thérapeutique plutôt qu’à une autre… Les professionnels de santé y ont de plus en plus recours afin de confirmer l’intérêt d’une chimiothérapie chez les femmes touchées par un cancer du sein hormono-dépendant (voir interview du Dr Suzette Delaloge).

Ces tests pourraient également, à terme, se révéler très précieux pour valider ou non le recours à l’immunothérapie, une thérapeutique en plein essor. Le principe de l’immunothérapie ? Réveiller le système immunitaire afin que celui-ci élimine la tumeur via les défenses naturelles de l’organisme. Les indications de l’immunothérapie ne cessent de se développer. Elle concerne aujourd’hui des cancers auparavant considérés comme résistants à l’immunothérapie. C’est le cas notamment du cancer du sein dit triple négatif, du cancer du foie et de certains sous-types moléculaires de cancers du côlon.

« Selon les estimations, entre 15 et 30% des patients répondent à l’immunothérapie. L’avantage, c’est que lorsqu’on obtient une réponse, elle est généralement durable et permet une nette prolongation de la survie. Dans le cancer du poumon, l’hormonothérapie a permis de multiplier par trois la survie à 5 ans [passant de 5 à 15 %, NDLR]. Pour les mélanomes métastatiques, elle était de 6 mois il y a plus de 10 ans, aujourd’hui la moitié des patients sont encore en vie 5 ans après le diagnostic (…). La bonne nouvelle, c’est qu’on commence à identifier des marqueurs prédictifs de la réponse. L’objectif serait ainsi de ne traiter que les patients possédant ces biomarqueurs de réponse. »

– Pr Éric Tartour, chef du service d’immunologie biologique à l’Hôpital européen Georges-Pompidou (Paris)

Selon le dernier rapport scientifique de l’Institut national du cancer, plus de 114.000 patients ont bénéficié, en 2018, d’au moins un test moléculaire dans l’une des 28 plateformes de génétique moléculaire de France.

Demain, peut-on imaginer que tous les patients touchés par un cancer pourront bénéficier de tels tests ?

« Ce n’est pas du tout illusoire. Ces tests vont se démocratiser, et ce d’autant plus que le prix des technologies utilisées diminue. À titre d’exemple, le coût d’un séquençage de l’ADN était de 100.000€ dans un contexte de recherche en 2010, il est d’environ 1.000€ actuellement. »

– Iris Pauporté, déléguée à la recherche au sein de la Ligue nationale contre le cancer

Des vaccins « anti-cancer » en développement

À l’Institut Curie, le Pr Christophe Le Tourneau développe deux programmes de vaccination « anti-cancer », avec le concours de la société de biotechnologie Transgene.

Le premier est un vaccin thérapeutique destiné aux personnes touchées par un cancer du col de l’utérus ou de la sphère ORL, imputable à une infection au papillomavirus (HPV).

« Nous avons commencé à administrer ce vaccin thérapeutique en association avec une immunothérapie. Les premiers résultats sont encourageants, ils ont été présentés au congrès de la Société européenne d’oncologie médicale (Esmo) en octobre 2020. »

– Pr Christophe Le Tourneau

Le second programme va encore plus loin, avec le développement de vaccins personnalisés actuellement à l’étude dans deux types de cancer : ovaire et ORL. Le premier patient a été vacciné récemment.

« Pour chaque patient, un prélèvement tumoral réalisé lors de la chirurgie est utilisé pour séquencer le code génétique de la tumeur, puis, grâce à un algorithme d’intelligence artificielle, on sélectionne les trente mutations les plus importantes pour créer le vaccin, qu’on administrera en association avec les traitements habituels. (…) En cancérologie, on avance à petits pas. Les thérapies ciblées et l’immunothérapie furent de grandes révolutions… peut-être que le vaccin thérapeutique le sera également, mais il est encore trop tôt pour le dire. »

– Pr Christophe Le Tourneau

« Dépister plus tôt les cancers du sein »

Le cancer du sein recule-t-il en France ?

« La mortalité par cancer du sein diminue progressivement avec un taux de survie qui désormais dépasse les 90% à 5 ans, mais son incidence continue d’augmenter, dans toutes les tranches d’âge, avec 60.000 nouveaux cas diagnostiqués chaque année. »

A-t-on de moins en moins recours à la chimiothérapie ?

« Globalement, oui. À Gustave-Roussy, nous avons réduit les indications de chimiothérapie adjuvante « préventive » de l’ordre de 30 à 40% ces cinq dernières années et l’on continue encore dans ce sens, particulièrement chez les femmes ménopausées souffrant d’un cancer du sein hormono-dépendant. Chez elles, il a été clairement démontré que le recours à des tests moléculaires permet d’éviter un grand nombre de chimiothérapies inutiles. »

Quels sont les enjeux pour les années à venir ?

« Dépister plus tôt, mieux traiter au moment du diagnostic pour éviter le risque de rechute, et intercepter précocement les maladies à risque métastatique… Là encore, la biologie moléculaire et l’intelligence artificielle seront d’une aide précieuse. »

– Dr Suzette Delaloge, Cheffe du département de sénologie, Institut Gustave-Roussy, Villejuif

Le cancer en chiffres

  • 100.000 : C’est le nombre de cancers n’ayant pas pu être dépistés au cours de l’année 2020 du fait de l’épidémie de Covid-19, selon les estimations de la Ligue contre le cancer.
  • 382.000 : C’est le nombre de nouveaux cas de cancers diagnostiqués en France en 2018, selon l’Institut national du cancer.
  • 40% : C’est la proportion de cancers qui pourraient être évités en changeant nos comportements et habitudes de vie : arrêt du tabac, réduction de la consommation d’alcool, meilleure alimentation, activité physique, prévention du surpoids et de l’obésité en tête de liste.