Dépendance : mieux aider les aidants à prendre soin de leurs proches
Ils accompagnent une mère, un frère, un mari, un enfant ou un ami. Ils s’occupent des courses, du ménage, des repas quand leurs proches, dépendants, ne sont pas en mesure de le faire. Ils assurent un soutien moral. En France, près de 10 millions de personnes sont des aidants.
Chaque semaine, souvent chaque jour, ils rendent visite à un proche dépendant. Dans certains cas, il s’agit d’un conjoint ou d’un parent qui vit sous le même toit. En 2021, 9,3 millions de Français déclaraient porter une aide régulière à un proche et parmi eux, 500 000 sont des mineurs1.
Ces aidants apportent une aide domestique, mais aussi du réconfort, une aide administrative ou encore une assistance pour les déplacements, les soins, les gestes du quotidien. Ils jouent un rôle majeur dans le maintien à domicile des personnes en perte d’autonomie. Dans la moitié des cas, c’est l’âge qui déclenche un besoin d’aide. Il arrive aussi que ce soit la maladie ou un handicap. Selon le dernier baromètre annuel des aidants de la Fondation APRIL2, près de deux tiers des aidants sont des femmes, près de 60 % ont plus de 50 ans et 70 % sont des actifs.
Cet accompagnement vient donc souvent en parallèle d’une vie familiale et professionnelle bien remplie. Malgré cela, un aidant sur cinq indique passer plus de 20 heures par semaine avec son aidé, et 35 % des aidants accompagnent plusieurs personnes.
Cet investissement émotionnel et en temps est conséquent et peut avoir des répercussions sur la santé : 29 % des aidants pointent des conséquences négatives sur leur moral et sur la qualité de leur sommeil. La moitié se sent seuls. Ce sentiment de solitude est particulièrement fort chez les femmes, les aidants qui vivent sous le même toit que la personne aidée, et ceux qui accompagnent leur conjoint. Plus de 80 % des aidants ont besoin de soutien financier ou matériel. De manière générale, ils se disent fatigués et souffrent d’un manque de reconnaissance.
ÊTRE AIDANT NE SIGNIFIE PAS ÊTRE SEUL !
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« La Nation doit soutenir cette formidable solidarité humaine »
C’est en 2008, à l’occasion du troisième plan « Alzheimer et maladies apparentées » que l’État affiche pour la première fois le soutien aux aidants comme un objectif premier. Y sont abordées les questions de répit et d’accompagnement des aidants, le statut spécifique ouvrant droit à la formation, la santé de ces derniers… Et c’est seulement en 2015 que la loi d’adaptation de la société au vieillissement définit le « proche aidant » :
« Est considéré comme proche aidant d’une personne âgée son conjoint, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, un parent ou un allié, définis comme aidants familiaux, ou une personne résidant avec elle ou entretenant avec elle des liens étroits et stables, qui lui vient en aide, de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne ».
« Les aidants jouent un rôle majeur auprès des personnes en situation de handicap, souvent pendant une grande partie de leur vie. Ils sont précieux au quotidien et permettent aux aidés de se réaliser pleinement. Qu’il s’agisse d’un enfant, d’un conjoint, d’un frère, d’une sœur, d’un parent ou d’un ami, leur présence est inestimable pour les personnes aidées. La Nation doit soutenir cette formidable solidarité humaine », déclarait la ministre déléguée chargée des Personnes handicapées, Geneviève Darrieussecq le 6 octobre 2022, lors de la Journée nationale des aidants.
Éviter l’isolement et l’épuisement
À cette occasion, le gouvernement a présenté les nouvelles pistes de travail pour soutenir les aidants : une stratégie nationale pluriannuelle a été lancée en ce début d’année 2023. Élaborée avec les associations représentatives des aidants, elle ambitionne d’éviter l’isolement et l’épuisement des aidants, faciliter leur quotidien et leur permettre de mieux concilier aide et vie professionnelle.
Pour les aidants salariés, un congé proche aidant a vu le jour. Sous certaines conditions, il permet de suspendre ou de réduire son activité professionnelle, pour une durée maximum de 3 mois consécutifs. Une manière de
souffler un peu. Ce congé ne peut pas être refusé par l’employeur. Il n’est pas rémunéré mais peut être indemnisé via l’allocation journalière de congé de proche aidant (AJPA).
Depuis le 1er janvier 2023, le montant de cette allocation est de 62,44 euros par jour. D’autre part, les personnes âgées bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) peuvent l’utiliser pour employer leur aidant (à l’exception du conjoint) en tant qu’aide à domicile. Sous conditions, l’aidant qui devient salarié de son proche peut cumuler cette activité avec une autre activité professionnelle.
Pour soutenir les aidants, et leur proposer des solutions de répit, encore faut-il que les personnes se reconnaissent comme aidants et se sentent légitimes à en bénéficier. Or, un tiers des aidants n’a jamais entendu parler de
ce statut et seuls 53 % des aidants se reconnaissent dans ce terme. Les associations, les professionnels de santé ou acteurs médicosociaux ont un rôle à jouer pour aider les aidants à se reconnaître comme tels.
Soutien psy, ateliers bien-être, temps libre
Pour obtenir du soutien, des conseils, de l’information, les aidants peuvent se tourner vers les Plateformes d’accompagnement et de répit (PFR). Elles proposent parfois des services comme du soutien psychologique, des ateliers bien-être, des loisirs, des temps de convivialité et d’écoute. Elles peuvent aussi orienter les aidants qui ont besoin d’un peu de repos vers les solutions existantes près de chez eux.
Quand ils passent leur temps à aider les autres, le temps pour eux se fait rare. Les PFR proposent donc des « forfaits temps libre ». Une manière de permettre aux aidants de bénéficier d’heures de temps libre dans l’année, pour s’occuper d’eux. Il s’agit de ménager du temps pour l’aidant, pour sa vie professionnelle ou personnelle et de prévenir une situation d’épuisement de l’aidant. Pendant ces créneaux, d’une à quelques heures, un professionnel prend le relais auprès de la personne aidée. Une participation financière de 5 euros par heure d’intervention est généralement demandée aux familles.
Quand quelques heures dans l’année ne suffisent pas, d’autres solutions existent. Cela peut prendre la forme d’un accueil temporaire de la personne aidée en établissement ou famille d’accueil. Un relais à domicile peut aussi être envisagé pour préserver les repères et le rythme de vie de la personne aidée. Dans ce cas, un professionnel ou un bénévole intervient en relais de l’aidant pour une demi-journée ou pour une journée. Mais ces solutions sont souvent coûteuses. Un forfait répit existe pour les aidants bénéficiaires de l’allocation pour l’autonomie (APA). Certaines mutuelles, complémentaires santé ou assurances peuvent proposer d’en financer une partie.
Une seule Maison de répit existe pour l’heure en France. Elle est à Lyon. Cette solution d’hébergement et d’accompagnement peut accueillir pour la journée ou pour des séjours courts et réguliers, la personne aidée et/ou
ses aidants. Des activités thérapeutiques, sociales ou de bien-être sont proposées et une surveillance médicale est assurée. Des aides et dispositifs de soutien qui sont appelés à se développer : 57 % des Français envisagent un jour de devenir aidant.
L’avis de …
« Je m’occupe de mon père de 93 ans et de mes deux frères. Mon père est encore mobile, mais il a besoin de beaucoup de présence. Il est tout seul dans une maison, donc il faut lui faire les courses, le ménage …
Il n’accepte que moi, et refuse toute femme de ménage ou aide à domicile. Je l’ai au téléphone tous les jours, et quand j’ai un peu de temps, je me déplace. Mes deux frères sont handicapés. Mon frère aîné, 65 ans, a suffisamment d’autonomie pour être dans un petit appartement, mais il ne comprend pas ce qu’il lit, il est très vulnérable. Il s’est retrouvé en surendettement à cause de personnes qui ont abusé de sa fragilité pour lui faire signer des crédits.Mon second frère est beaucoup plus handicapé. Il est en établissement mais je l’ai longtemps gardé les week-ends, pour qu’il garde un lien avec la famille. Il fallait le laver, l’habiller, le faire manger, l’occuper… Du lever au coucher. Dans les deux cas, ce sont des handicaps de naissance. Donc, je m’occupe d’eux depuis mon enfance.
Évidemment, j’ai toujours travaillé. J’ai d’ailleurs commencé à travailler très tôt, à 16 ans. Je vais avoir 59 ans. Il ne me reste pas beaucoup de temps pour moi. Je m’évade grâce à la musique, dès que je peux. Au moins dans la tête, ça fait du bien. J’ai commencé le piano quand j’étais en internat. Sur mon heure de déjeuner, je pratique la clarinette. Tous les jours, pendant trois quarts d’heure. C’est du temps grignoté. J’ai refusé de construire une famille, d’autant que je risquais d’avoir des enfants handicapés.
J’ai toujours été trop investie auprès de mes proches pour que quelqu’un accepte de partager sa vie avec moi. Je n’ai donc jamais envisagé de construire une vie à deux. Ça va me pénaliser maintenant. Je vieillis, et le jour où mon père s’en ira, je n’aurai plus personne. Je n’ai jamais pu développer de vie personnelle. Je suis très seule, donc le moral n’est pas terrible…
Ce qui manque, quand on s’occupe presque 24h/24 de quelqu’un, ce sont les relais. Je me suis usée physiquement, et j’ai laissé ma vie filer sans m’occuper de moi parce que je n’ai jamais eu de relais. Ces dernières années, j’arrive à m’octroyer une semaine de vacances à moi. Tout le monde est prévenu mais en l’absence de relais, mon frère aîné m’appelle quand même quatre ou cinq fois par jour. Et j’appelle mon père tous les jours. »
-Thérèse Anfray, Conceptrice transport au sein de la RATP, aidante de son père et de ses deux frères
Sources :
- https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2023-02/ER1255MAJ1002.pdf
- https://www.fondation-april.org/comprendre/barometre-et-etudes-aidants. La fondation est à but non lucratif.
En savoir plus :
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