Changement climatique : les impacts sur la santé
L’été 2022 a été marqué en France par des records de température, une sécheresse généralisée et de nombreux incendies. Les effets du changement climatique sont d’ores et déjà bien visibles sur l’environnement. Mais ils font aussi peser une menace sur la santé humaine …
La crise climatique est une crise sanitaire : ce sont les mêmes choix non durables qui tuent notre planète et qui tuent les gens », déclarait le 7 avril 2022 le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Selon cet organisme, chaque année, plus de 13 millions de décès dans le monde sont imputables à des causes environnementales évitables, comme la pollution atmosphérique, la dégradation des sols ou la mauvaise gestion de l’eau.
Les chiffres donnent le vertige : entre 2030 et 2050, l’OMS s’attend à ce que le changement climatique entraîne près de 250 000 décès supplémentaires par an, dus à la malnutrition, au paludisme, à la diarrhée et au stress lié à la chaleur.
L’élévation du niveau des océans représente aussi une menace pour des millions d’habitants des zones littorales : érosion des côtes, submersions et inondations, contamination saline des nappes d’eau douce et des terres agricoles… Enfin, le réchauffement global provoque des événements climatiques plus violents et parfois dévastateurs : orages, tempêtes, ouragans, cyclones…
Les populations les plus affectées sont celles des pays qui sont déjà les plus vulnérables, les moins développés, où elles souffrent d’un manque d’accès à l’eau potable et à l’assainissement et subissent des pénuries alimentaires. Dans les pays industrialisés, les plus fragiles sont les plus exposés : les femmes, les enfants, les personnes âgées, les ménages à faibles revenus et les groupes marginalisés socialement.
Les risques en France
Le 29 juillet 2022, l’agence régionale de santé d’Occitanie signalait un cas de dengue à Perpignan. La personne atteinte par cette maladie tropicale n’avait pas voyagé et avait été infectée par un moustique tigre présent localement. La présence depuis plusieurs années de ces insectes en Europe inquiète car, outre celui de la dengue, ils peuvent transmettre les virus chikungunya ou Zika.
On trouve désormais des moustiques tigres sur quasiment tout le territoire métropolitain (67 départements sur 96) et Santé publique France, notre agence nationale de santé publique, prend la menace au sérieux avec un dispositif de surveillance de l’émergence de ces maladies autrefois limitées aux zones tropicales.
A priori moins meurtrier que la canicule de 2003 responsable, en France, de 15 000 décès, l’été 2022 a été celui de tous les records : 93 départements en alerte sécheresse, dont 66 en crise, plus d’une centaine de communes privées d’eau potable, plus de 50 000 hectares de forêts partis en fumée, et, avec 4 vagues de chaleur successives, des températures jamais atteintes : 40 °C à Dieppe, 42 °C à Nantes, 42,9 °C à Biarritz…
Le bilan sanitaire reste à dresser mais Santé publique France a relevé une hausse des recours aux soins d’urgence dans les régions les plus touchées et craint une surmortalité chez les plus de 75 ans.
Même en France le changement climatique affecte notre santé, y compris notre santé mentale. De plus en plus de jeunes se disent éco-anxieux.
L’éco-anxiété, théorisée outre-Atlantique à la fin des années 1990, désigne l’angoisse face aux menaces écologiques qui pèsent sur notre planète. Selon une étude publiée en septembre 2021 dans The Lancet, plus de 50 % des 16-25 ans interrogés dans une dizaine de pays dont la France, se sentiraient tristes, anxieux, en colère, impuissants et coupables face au réchauffement climatique. Et 45 % des 10 000 jeunes interrogés disent que leur quotidien est affecté par ce ressenti.
Des solutions
Le passage à l’action est un remède contre l’éco-anxiété. D’autant que des actions ont réellement un impact sur le changement climatique et peuvent en atténuer les effets et concourir à une meilleure adaptation. Ainsi par exemple, avec son plan climat, la Ville de Paris, comme de nombreuses métropoles et intercommunalités, s’attaque à la fois à la réduction de ses émissions de CO2 mais aussi à la construction d’une ville plus résiliente et plus agréable à vivre.
Des lieux de baignade, des arbres, des fontaines, des plantations, des façades et toitures végétalisées viennent lutter contre les îlots de chaleur urbains. La décarbonation des transports en commun, la création de pistes cyclables, la réduction de la place de la voiture et la sortie de l’essence : des mesures qui profitent autant au climat qu’à la santé des habitants.
La pollution atmosphérique, en particulier les particules fines en suspension dans l’air, aggrave le risque de développer des maladies cardio-vasculaires et respiratoires ainsi que certains cancers.
Selon Santé publique France, la pollution de l’air serait responsable de 48 000 décès par an ! De quoi inciter à laisser sa voiture au garage et à faire des économies d’énergie. Faire preuve de plus de sobriété dans nos consommations profite à la fois à la planète, à notre bien-être et à notre pouvoir d’achat…
Changer nos habitudes
Au-delà du transport, l’action des citoyens peut aussi passer par l’alimentation. En favorisant les circuits courts et les produits de saison issus d’une agriculture raisonnée ou biologique, en diminuant nos consommations de produits carnés et d’aliments transformés, en réduisant le gaspillage alimentaire, nous produisons des effets bénéfiques à la fois sur l’environnement, le climat et la santé.
Menée depuis 2009 sur une cohorte de 150 000 volontaires, l’étude observationnelle Nutrinet Santé a montré, par exemple, une réduction de 31 % du risque d’obésité et de 26 % du risque de cancer chez les grands consommateurs de produits bio par rapport à la population générale, ou encore que la consommation d’aliments ultra-transformés augmentait le risque de diabète. Comme le relève l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), les liens entre alimentation, environnement et santé humaine sont nombreux.
Nos choix de consommation influent sur nos modes de culture et d’élevage, qui à leur tour ont des conséquences sur les milieux mais aussi sur les aliments eux-mêmes.
One Health
Cette approche de santé globale, dite « One Health », considère que la santé humaine, celle des animaux et celle de l’environnement font partie d’un même ensemble. Tout est lié. Ainsi, par exemple, les antibiotiques utilisés pour traiter les animaux d’élevage sont susceptibles d’entraîner la multiplication de bactéries résistantes à ces traitements ; la déforestation augmente le risque d’infection par des virus d’origine animale ; certains insecticides utilisés dans l’agriculture intensive affectent le système endocrinien ou provoquent des cancers…
Un groupe pluridisciplinaire d’experts internationaux a été mis en place en 2021 par l’OMS, l’Organisation mondiale de santé animale, l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) pour promouvoir cette approche, qui est aussi celle portée par la France lors de sa présidence du Conseil de l’Union européenne. Si nous nous considérons comme une partie d’un tout, si nous pensons que notre santé dépend de celle de notre milieu, alors la lutte contre le changement climatique est un objectif de santé publique. Finalement, cela n’a rien de surprenant : prendre soin de notre planète, c’est prendre soin de notre santé.
Quelques chiffres
- 48 000 : C’est le nombre de décès causés par la pollution de l’air, selon Santé publique France.
« On ne peut être en bonne santé dans une planète qui va mal »
– Mathilde Pascal – Épidémiologiste et chargée de projet changement climatique et santé à Santé publique France
2 questions à Mathilde Pascal
Le changement climatique a-t-il déjà des impacts mesurables sur la santé des Français ?
On distingue trois types d’impacts. Les impacts directs, liés aux phénomènes extrêmes, tels que les vagues de chaleur, les inondations, les tempêtes, qui affectent les biens (comme par exemple, dans les Caraïbes, la destruction d’infrastructures de santé par les ouragans) et les personnes. Leurs effets sont immédiats, mais aussi à long terme : des atteintes à la santé mentale peuvent survenir des années après les événements. Il y a ensuite les effets indirects, liés à l’influence du climat sur les écosystèmes et qui aggravent la pollution de l’air, limitent l’accès à l’eau, affectent la qualité et la quantité de ressources alimentaires ou favorisent l’émergence de maladies infectieuses. Enfin, on observe aussi des effets indirects en lien avec le contexte économique et social, qui se répercutent sur la santé : migrations, perte d’emploi, appauvrissement, crises politiques… Ce qui ressort de tout cela, c’est une grande complexité qui rend les impacts du changement climatique difficiles à mesurer et conduit à les sous-estimer.
Comment peut-on se prémunir contre les risques à venir ?
Les scientifiques du GIEC et les experts de l’ONU recommandent une approche transversale, pluridisciplinaire. On ne peut être en bonne santé dans une planète qui va mal. Protéger la santé humaine implique de maintenir les
équilibres de tous les grands systèmes planétaires, et donc, par exemple, réduire nos émissions de CO2 et préserver la biodiversité. Il nous faut donc, collectivement et individuellement, nous adapter face au réchauffement
climatique et en atténuer les effets. Ainsi, nous protégeons la santé des générations futures mais nous améliorons aussi la nôtre : moins de voitures en ville, c’est moins de pollution de l’air, moins de bruit, plus d’activité physique. L’accord de Paris, avec son objectif de limitation du réchauffement planétaire à 2 °C est l’accord de santé publique le plus important du XXIe siècle. Agir pour le climat et l’environnement, c’est agir sur la santé de tous.– Mathilde Pascal – Épidémiologiste et chargée de projet changement climatique et santé à Santé publique France
Le 6 juillet 2022, lors d’une journée dédiée à l’innovation, IMATECH (filiale du Groupe IMA, partenaire de votre mutuelle) organisait une conférence à Nantes autour du changement climatique.« À l’aide de la fresque du climat les participants ont visualisé les causes et les conséquences du changement climatique et partagé les solutions à mettre en œuvre, à leur échelle », témoigne Margot Meunier, qui a animé cet atelier. Sobriété énergétique et numérique, mobilité, alimentation : de nombreuses pistes ont été évoquées.« On peut ressentir de la tristesse, de la peur ou de la colère face à cet avenir incertain, expérimenter des solutions aide à aller mieux, tout en profitant à l’ensemble de la collectivité », souligne l’animatrice. !